Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/706

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désavantage. Observez quel est, du jour ou de la nuit, le temps où il est le plus à propos de marcher ; quelle distance il y a du lieu d’où vous partez à celui où vous voulez arriver, afin de ne pas vous exposer à la disette d’eau en été, aux mauvais chemins, aux marais, aux torrents pendant l’hiver, et de n’être pas enveloppés, dans une marche embarrassée, avant d’avoir gagné le poste où vous avez à vous rendre. S’il est de notre intérêt d’éviter sagement ces accidents lorsque la négligence ou l’impéritie y fait tomber nos ennemis, il ne faut pas laisser échapper l’occasion, mais avoir de bons espions en campagne, attirer des déserteurs, débaucher des soldats, par qui l’on puisse être informé de ce que fait l’ennemi, ou de ce qu’il compte faire ; et avoir des détachements de cavalerie et d’infanterie légère toujours prêts à tomber soit sur ses colonnes en marche, soit sur ses fourrageurs.

chapitre vii.
Du passage des grandes rivières.

Il est extrêmement dangereux de passer des rivières sans précaution : si le courant se trouve trop rapide ou le lit fort large, le bagage, les valets, et même les soldats faibles, courent risque d’être submergés. Il faut donc, après avoir sondé le gué, séparer la cavalerie en deux troupes ; les porter l’une en haut, et l’autre en bas de l’eau, en laissant entre deux un espace qui serve de passage à l’infanterie et au bagage : ainsi la troupe qui est passée au-dessus rompt l’impétuosité du courant, pendant que celle qui est au-dessous arrête ou relève ceux qu’il emporte ou qu’il renverse. Supposé que la rivière soit si profonde que l’infanterie ni la cavalerie même ne la puisse passer à gué, mais que d’ailleurs elle coule sur un terrain aisé à couper, on peut la détourner en partie par des fossés, partie par des ruisseaux, et la rendre guéable dans sou lit, en l’y diminuant. On facilite le passage des rivières navigables en enfonçant dans l’eau des pieux, sur lesquels on cloue des planches ; ou si l’on est pressé, en liant des tonneaux vides, couverts de soliveaux, sur lesquels passe l’infanterie. Les cavaliers les plus adroits font des faisceaux de joncs et d’herbes sèches, sur lesquels ils placent les armes et les cuirasses sans qu’elles se mouillent. Eux-mêmes passent à la nage, traînant derrière eux ces faisceaux attachés à une longe. Mais on n’a rien trouvé de plus commode que de charger sur des chariots de petites chaloupes faites d’un seul tronc d’arbre creusé, et d’un bois fort léger ; des planches, des cordes, des chevilles de fer, en un mot de quoi construire sur-le-champ une espèce de pont de bateaux, aussi solide qu’un pont de pierre. Mais comme l’ennemi a coutume de dresser des embuscades ou d’attaquer ouvertement au passage d’une rivière, il faut établir deux bons postes sur l’une et l’autre rive, pour empêcher qu’il n’accable vos troupes séparées par le lit de la rivière. Il est plus sûr encore de couvrir les deux têtes du pont d’une palissade assez forte pour arrêter l’ennemi, sans être obligé de le combattre. Si le pont vous était nécessaire, soit pour repasser la rivière, soit pour faciliter vos convois, il faudrait élever à chaque tête du pont un retranchement défendu par de larges fossés, et y poster une garde, qui y tînt ferme tout le temps nécessaire.