Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/711

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infanterie et cavalerie ; qu il connaisse, si cela se peut, les talents et la portée de tel comte, de tel tribun, de tel officier, de tel subalterne, de tel soldat nommément ; qu’il s’assure par la sévérité l’autorité la plus grande ; qu’il punisse, avec toute la rigueur des lois, les fautes et les délits militaires ; qu’il passe pour ne faire grâce à personne, et que dans les différents lieux, dans les diverses occasions, il prenne conseil de tous les gens d’expérience. Après ces premières dispositions bien remplies, qu’il épie les occasions où les ennemis courent la campagne à l’aventure, et se dispersent pour piller ; qu’alors il envoie sur eux des détachements de cavalerie éprouvée, ou d’infanterie mêlée de soldats nouveaux ou au-dessous de l’âge de la milice, afin que l’avantage que l’occasion leur fera remporter donne de l’expérience aux troupes déjà aguerries, et du courage aux autres ; qu’il dresse aussi des embuscades bien secrètes aux passages des rivières, aux gorges des montagnes, aux défilés des bois, sur les marais et sur les chemins propres à ces entreprises ; qu’il règle si bien ses marches, qu’il soit toujours prêt à fondre sur les ennemis aux heures qu’ils mangent ou qu’ils dorment, ou du moins qu’ils prennent du repos ; qu’il les surprenne déchaussés, désarmés, dans la sécurité et en désordre, leurs chevaux dessellés ; et qu’il continue ces ruses jusqu’à ce que ses soldats aient pris de la confiance en eux-mêmes dans ces sortes d’affaires. La vue des mourants et des blessés est un spectacle horrible pour des gens qui se trouvent pour la première fois à une bataille, ou qui n’en ont point vu depuis longtemps ; et la frayeur qu’ils en prennent les dispose plutôt à fuir qu’à combattre. Si les ennemis font des courses, un général doit en profiter ; les attaquer fatigués d’une longue marche, et tomber au moins sur leur arrière-garde. Il doit aussi tâcher de leur enlever brusquement, avec de bons détachements, les quartiers qu’ils peuvent avoir séparés pour la commodité du fourrage ou des vivres : enfin il faut d’abord tenter tout qui peut être peu nuisible en cas de mauvais succès, et dont la réussite devient extrêmement avantageuse. Il est encore d’un général habile de semer la division parmi les ennemis : il n’y a point de nation, si petite qu’elle soit, qu’on puisse absolument détruire, si elle n’aide elle-même à sa ruine par ses propres dissensions ; mais les haines civiles précipitent les partis à la perte de leurs adversaires, en leur ôtant tout esprit de précaution pour leur propre défense. Il y a une chose qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est que personne ne doit désespérer qu’on puisse faire ce qui a déjà été fait. Il y a bien des années, dira-t-on, qu’on ne creuse plus de fossés, qu’on n’élève plus de palissades autour des camps mêmes où les armées doivent demeurer. Je répondrai que si on avait pris ces précautions, les ennemis n’auraient point osé nous y insulter de jour et de nuit, comme il est arrivé. Les Perses, profitant des anciens exemples qu’ils ont pris chez les Romains, enferment leurs camps de fossés ; et comme dans leur pays le terrain est sablonneux et sans consistance, ils mettent ce sable, qu’ils tirent des fossés, dans de grands sacs à terre, qu’ils portent toujours avec eux pour cet usage, et en forment un retranchement, en les accumulant les uns contre les autres. Tous les barbares se font une espèce de camp retranché de leurs chariots, qu’ils lient ensemble, et passent tranquillement les nuits dans cette enceinte, à couvert des surprises de l’ennemi. Craignons-nous de ne pas apprendre ce que les autres ont appris de nous ? C’est dans les livres qu’il faut