Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/75

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des traits de l’ennemi ; et jetant à chacun, connu ou non connu, quelques mots énergiques. Il les exhortait tous à faire leur devoir. Eh bien ! mes amis, disait-il aux uns, voici enfin une bataille en règle. C’est le moment qu’appelaient vos vœux et les miens, et que votre impatience devançait toujours. S’adressant ensuite aux derniers rangs : « Camarades, il est venu le jour tant désiré qui nous appelle tous à effacer les taches imprimées au nom romain, et à lui rendre son ancien lustre. Voyez, les barbares viennent ici chercher un désastre ; une aveugle fureur les pousse à s’offrir eux-mêmes à vos coups ». Aux guerriers qu’une longue habitude rendait aptes à juger des manœuvres, il disait, tout en rectifiant quelque disposition — « Allons, braves soldats, réparons par de nobles efforts les affronts qu’ont essuyés nos armées. C’est dans cet espoir que, malgré mes répugnances, j’acceptai le titre de César ». A ceux qui demandaient étourdiment le signal, et dont la pétulance menaçait d’enfreindre les commandements et de causer du désordre : « Gardez-vous, disait-il, gardes-vous, quand l’ennemi tournera le dos, de trop vous acharner sur les fuyards ; ce serait compromettre l’honneur de votre succès. Que nul aussi ne céde le terrain qu’à la dernière extrémité ; car, aux lâches, point d’assistance de ma part. Mais je serai là pour seconder la poursuite, pourvu qu’elle se fasse sans emportement inconsidéré. »

Parlant ainsi à chacun son langage, il fait avancer la plus grande partie de ses forces contre la première ligne des barbares. Ce fut alors parmi l’infanterie allemande, contre les chefs qui étaient montés, un frémissement d’indignation qui bientôt éclata en vociférations effroyables. Il fallait, disait-on, qu’ils combattissent à pied comme les autres, et que nul ne pût se ménager, en cas de fuite, un moyen de sauver sa personne, en abandonnant le reste à son sort. Cette manifestation fit quitter à Chnodomaire son cheval, et son exemple fut aussitôt suivi. Pas un ne mettait en doute que la victoire ne dût se déclarer pour eux.

L’airain donne le signal, et des deux parts on en vient aux mains avec la même ardeur, en préludant par des volées de traits. Débarrassés de leurs javelots, les Germains se lancent sur nos escadrons avec plus d’impétuosité que d’ensemble, en rugissant comme des bêtes féroces. Une rage plus qu’ordinaire hérissait leur épaisse chevelure, et leurs yeux étincelaient de fureur. Intrépides sous l’abri de leurs boucliers, les nôtres paraient les coups, ou, brandissant le javelot, présentaient la mort aux yeux de l’ennemi. Pendant que la cavalerie soutient la charge avec vigueur, l’infanterie serre ses rangs, et forme un mur de tous les boucliers unis. Un épais nuage de poussière enveloppe la mêlée. Nous combattons avec des chances diverses, ici tenant ferme, là repoussés ; car les Germains, rompus la plupart à cette espèce de manœuvre, s’aidaient de leurs genoux pour enfoncer nos lignes. C’était un corps à corps universel, main