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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/752

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que les livres de Maurice sur l’engagement des troupes contiennent les règlements des empereurs Trajan et Adrien ; celui-ci mourut en 138. »

In ordinem epitomata conscribo. Stewecbius ne laisse point passer cet endroit sans faire remarquer que c’est une preuve que Végèce n’a voulu écrire qu’un abrégé, qu’un épitome, sur l’art militaire.

CHAPITRE IX.

Quoique nos armées ne soient plus les mêmes que celles des Romains, que la façon de combattre soit absolument changée, cependant les préceptes de Végèce sur l’instruction du soldat sont excellents. Il est plus essentiel et même plus important aux nations actuelles de bien marcher pour conserver leur ensemble et exécuter les différents mouvements ordonnés, qu’il ne l’était peut-être aux Romains, parce que la disposition pour combattre de ceux-ci était très-différente de la nôtre. Ils combattaient par divisions séparées, et sur trois lignes. Chaque division, quoique alignée sur celle de sa droite et de sa gauche, marchait cependant indépendante des autres, et combattait l’ennemi qui se trouvait devant elle[1]. Il leur suffisait donc que chaque division marchât d’un pas égal, et qu’elle conservât son ensemble, pour que l’attaque fût égale sur tout son front. — Il n’en est pas de même de notre disposition. — Après l’exercice de la course, auquel il est bon d’habituer le soldat, Végèce dit encore qu’il faut lui apprendre à sauter des fossés, des baies, et autres obstacles que le terrain présente. Cet exercice est utile, parce qu’il peut se trouver mille occasions où il faut franchir des fossés gravir des montagnes, passer des ruisseaux peu larges, mais profonds, et sur lesquels le temps ne permet pas d’établir des ponts. Lorsqu’on a des troupes habituées à surmonter de pareils obstacles, on ne se trouve arrêté nulle part.

Tirones militarem edocendi sunt gradum. « Le pas militaire était chez les Romains, comme chez nous, le pas géométrique de cinq pieds ; mais comme le pied romain était d’un douzième plus court que le pied de roi, les 20,000 pas militaires, réduits à 18, 333 de nos pas géométriques, revenaient à sept lieues un tiers de nos lieues communes de 2, 500 pas géométriques chacune. — On trouve, suivant ce calcul rapporté aux mesures grecques que la marche des Dix mille, dans leur retraite, était par jour, l’un portant l’autre, de cinq de nos grandes lieues de 3.000 pas géométriques chacune. Cet ouvrage de Xénophon ne peut être trop réfléchi par qui veut se retirer devant l’ennemi. — Les Commentaires de César nous apprennent que ce général alla à la tête de son armée, de Château-Landon à Orléans, qui en est éloigné de seize à dix-sept lieues communes, en deux jours, et en cinq de Moulins à Clermont en Auvergne, distants l’un de l’autre de vingt cinq à trente des mômes lieues, par le chemin qu’il prit. Mais dans les marches forcées il faisait quelquefois en vingt-quatre heures cinquante mille pas, c’est-à-dire près de vingt-trois de nos petites lieues, de deux mille pas géométriques chacune ; ce qui serait difficile à croire si l’on n’éprouvait tous les jours combien l’habitude fréquente d un exercice nous fait surpasser les forces apparentes de l’homme. »

Militari… gradu, viginti millia pas suum, horis quinque dumtaxal æstivis conficienda sunt. Ces vingt mille pas sont, disent les commentateurs, ce que les Romains appelaient justum diei iter, le chemin ordinaire d’un jour, la journée de marche pour leurs soldats (Voy. César, De bell. civ., ch. 76). — Nous avons emprunté à Ch. Guischard, un des plus savants écrivains militaires qui aient traité de l’ancienne milice, la noie suivante, tirée de ses Mémoires critiques et historiques sur quelques points d’antiquités militaires (t. I, p. 102-113), et qui est un excellent commentaire de ce passage.

Végèce dit que, dans les exercices, on accoutumait le nouveau soldat à faire, en cinq heures d’été, d’on pas ordinaire, vingt mille pas de chemin, et d’un pas plus grand, vingt-quatre mille. Je lie crois pas que, de la manière dont Végèce s’énonce, il laisse son lecteur incertain sur l’étendue du chemin que le soldat avait à faire dans ses exercices ; et personne ne confondra le pas commun avec le pas adopté par les anciens pour leurs mesures géographiques. César et d’autres auteurs s’en servent constamment lorsqu’ils veulent exprimer la distance d’un endroit à l’autre, ou déterminer l’étendue d’un terrain, sans donner jamais lieu à l’équivoque. Je remarque pourtant que ce passage de Végèce a donné aux auteurs l’occasion de soutenir que ces traites de vingt et de vingt-quatre mille pas, dont Végèce parle ici, étaient les journées ordinaires d’une armée romaine, et que César les indiquait par l’expression de justum diei iter, dont il se sert quelquefois dans ses Commentaires. Je conviens qu’un corps d’armée qui fait vingt et vingt-quatre milles, on, ce qui revient au même, sept à huit lieues par jour, fait déjà une marche assez forte, et que les Romains en ont fait souvent de pareilles ; mais je ne crois pas que le passage de Végèce serve à déterminer le justum iter de César ni qu’on ait voulu restreindre, en temps de guerre la nv-’ tlie des troupes à de certaines lieures ou à de certaàns distances. Végéce ne parle que de la manière d’habituer le soldat à faire de longues marches en ordre et sans dtffi eu lié ; mais César, quand il emploie l’expression de justum iler, qui lui est particulière, nous dit simplement quH fil uue bonne journée, une bonne marche, sans y attacher l’idée de quelque distance. Ayant besoin, lorequ’it fut aut* cours du camp do Cicéron dans le pays d Hainaut da toute la diligence possible pour arriver à temps, il dit avoir fait vingt mille pas le premier jour de la marche* et dans une autre occasion, quand il se vit extrêmement pressé de prévenir par une marche soudaine les suites d’une révolte de ses ancieus alliés d’Autun, il se mit la nuit en chemin, et marcha d’une seule traite vingt-cinq mille pas, ou plus de huit lieues. Cette marche faite, Une doom que trois heures de repos aux quatre légions qui l’avaient suivi, et revint sur ses pas, ayaut fait aiusi prés de cinquante milles d’une seule traite, environ eo trente heures de temp6. C’est dans ces deux occasions seulement où César, saus se servir du terme de justum iter, détermine le chemin qu’il a fait faire aux troupes dans un jour, Cfmmf ce sont des occasions extraordinaires, on devrait plutôt en conclure que si le justum iter dénotait une traite déterminée, du moins n’allait-elle pas d’ordinaire à ces vingt ou à ces vingt-quatre intlle6 de Végéce. Lorsque les bons auteurs latins veulent exprimer le nombre de jours qu’une armée employait dans sa marche pour arriver quelque part, ils l’exprimeut ordinairement par celui ds leurs campements. Quinis, undecim aut septuaginte, ou aussi quintis, undecimis aut septuagesimis castris exercitus eo pervenit. L’armée y arriva en cinq, onze, soixante et dix, etc., campements. Cette manière de parler a du rapport à l’usage invariable des ancieus Romains, de ne passer jamais avec l’armée la nuit dans un endroit, sans y remuer la terre, et sans faire un r*yr>p dans firmes les formes. C’est pourquoi ils se mettaient ordinairement eu marche avant le jour, quarta vigilia ; et il ne parait pas que, sans un cas pressant, ils fissent de longue » murcbes, pour avoir encore le temps d’exécuter les travaux usités pour leurs campements. Il y a pourtant des exaucées de marches exécutées par les anciens, qui ont de quoi

  1. Si on comprend les vélites ou les légèrement armés, les Romains se rangeaient sur quatre lignes ; mais il ne faut compter que les trois lignes des pesamment armés.