Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/89

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longtemps avant la troisième, le ciel redevenu serein révéla toute l’horreur du désastre. Les uns étaient morts écrasés sous le poids des décombres ; d’autres, ensevelis jusqu’aux épaules, et qu’un peu d’aide eût pu sauver, périssaient faute de secours. On en voyait de suspendus en l’air, au bout des solives qui leur étaient entrées dans le corps. Çà et là gisaient des groupes naguère pleins de vie, et qui, par une commune chance de destruction, étaient devenus des monceaux de cadavres. D’autres, emprisonnés sains et saufs sous les débris de leurs toits, se voyaient condamnés à périr de douleur et de famine. De ce nombre fut Aristénète, qui venait d’obtenir le titre, longtemps ambitionné par lui, de lieutenant gouverneur de cette province, à laquelle Constance avait donné le nom de Piété, en l’honneur de sa femme Eusébie. L’infortuné dut ne succomber qu’après une longue et cruelle agonie. Plusieurs sont encore enfouis sous les ruines, à la place, où l’ébranlement les a surpris. Enfin, ce n’étaient que plaintes déchirantes des blessés, qui, le crâne ouvert, mutilés d’un bras ou d’une jambe, imploraient vainement l’assistance de ceux que le sort avait également maltraités. Néanmoins un certain nombre de temples et de maisons d’habitants, et même une partie de la population, eussent pu échapper au désastre, sans un incendie qui survint, et qui, promenant sa rage durant cinquante jours et autant de nuits, dévora tout ce qui pouvait lui fournir d’aliment.

C’est le cas, j’imagine, de dire quelques mots des hypothèses des anciens sur les tremblements de terre. Je dis hypothèses, car, sur ce point, les infatigables élucubrations des savants, et leurs discussions qui durent encore, ne sont pas plus près d’une démonstration que l’ignorance du vulgaire. Aussi, pour éviter une méprise qui serait un sacrilège, les rituels et les livres des pontifes prescrivent-ils prudemment (et c’est une réserve strictement observée par les prêtres) de s’abstenir en ces occasions d’invoquer un dieu plutôt qu’un autre, puisqu’on ignore encore quelle divinité préside en effet à ce grand désordre de la nature.

Les théories abondent sur la cause des tremblements de terre, et se contredisent au point de mettre Aristote aux abois. Tantôt on les attribue à l’action violente de courants d’eau souterrains contre les parois des canaux déliés qui les contiennent, et qu’en grec nous appelons syringes. Tantôt, comme l’affirme Anaxagore, c’est l’air qui circule dans ces secrètes cavités, et qui, rencontrant l’obstacle d’un corps solide, ébranle, pour trouver issue, le terrain sous lequel il se trouve comprimé. On a souvent observé, en effet, l’absence de toute agitation de l’atmosphère pendant la durée des secousses ; sans doute parce que tout l’air alors est absorbé dans les profondeurs de la terre. De son côté, Anaximandre prétend que ce sont les vents qui s’engouffrent dans ces grandes gerçures ou crevasses qui entrouvrent le sol à la suite d’un été trop ardent ou de pluies continues, et qui le remuent ensuite jusque dans ses fondements ; ce qui expliquerait la coïncidence ordinaire de ces terribles phénomènes avec une période de sécheresse ou d’humidité excessive. Et c’est pourquoi les poètes et les théologiens d’autrefois ont donné à Neptune, divinité modératrice de l’élément humide, les noms d’Ennosigœon[1] et de Sisichthon[2].

Ces tremblements sont de quatre espèces :

  1. qui ébranle la terre
  2. remuer