Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/95

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marchèrent alors en colonnes serrées contre les Quades. Ceux-ci jugeant, d’après ce qui venait de se passer, du sort qui les attendait, se présentèrent en suppliants devant l’empereur, enhardis à cette démarche par la mansuétude dont il avait souvent fait preuve en pareille occasion.

Au jour fixé pour régler les conditions, Zizaïs, jeune Sarmate d’une taille avantageuse, issu du sang royal, arriva avec les siens qu’il fit ranger, pour présenter leur supplique dans le même ordre que s’il se fût agi de donner bataille. À l’aspect de l’empereur, il jeta ses armes et se prosterna ventre à terre. On lui dit d’exposer sa demande. Il veut parler, la crainte étouffe sa voix ; mais ses efforts visibles pour surmonter ses sanglots avaient, pour toucher le cœur, plus d’éloquence que les discours. On le rassure, on l’engage à se relever ; il reste à genoux, et, retrouvant enfin l’usage de la parole, il implore avec insistance le pardon et l’oubli de ses torts envers nous. Alors sa suite, qui, dans une muette terreur, attendait ce qui serait décidé de son chef, fut admise aussi à faire entendre sa prière ; lui-même en se relevant en donna le signal tardif, au gré de leur impatience. Tous, d’un mouvement simultané, jettent leurs boucliers et leurs traits, et, levant leurs mains jointes, s’efforcent de surpasser leur prince en démonstrations d’humilité. Parmi les Sarmates qu’avait amenés Zizaïs, se trouvaient trois petits rois ses vassaux, Rumon, Zinafre et Fragilède, et plusieurs autres chefs qui l’avaient suivi dans l’espoir d’obtenir la même faveur. Tous, se sentant ranimés par l’heureux succès des premières instances, demandaient seulement à racheter par les conditions les plus dures le mal qu’avaient causé leurs hostilités, et se mettaient de grand cœur eux, leurs femmes et leur territoire, à la merci du gouvernement romain. Mais la clémence et l’équité parlèrent plus haut. Il leur fut ordonné de rentrer dans leurs foyers sans crainte, et de nous renvoyer leurs captifs. Ils livrèrent autant d’otages qu’on en demanda, s’engageant à obtempérer à l’autre condition dans le plus bref délai.

Cette clémence eut son effet. On vit accourir avec tous les leurs Araharius et Usafre, tous deux du sang royal, guerriers d’élite, et les premiers parmi les notables de leur pays. L’un était chef d’une fraction des Transjugitains et des Quades ; l’autre, d’un parti de Sarmates étroitement unis aux premiers par les liens du voisinage et par une sauvage conformité d’habitudes. En les voyant si nombreux, l’empereur appréhenda que, sous prétexte de traiter, on n’eut l’intention d’en appeler aux armes. Il jugea donc à propos de les séparer, et de tenir à quelque distance ceux qui avaient à porter parole pour les Sarmates, jusqu’à ce qu’il eût terminé la négociation avec Araharius et les Quades.

Ceux-ci se présentèrent le corps plié en deux, suivant le cérémonial de leur pays. Nulle excuse ne pouvait être alléguée pour les atrocités dont ils s’étaient rendus coupables. Ils se soumirent donc, pour éviter de terribles représailles, à livrer les otages qu’on leur imposa ; eux dont on n’avait jamais pu obtenir jusqu’alors la moindre garantie pour un traité.

Cet arrangement terminé à l’amiable, Usafre, à son tour, fut admis à solliciter séparément son pardon. Mais Araharius se récria, et soutint obstinément que le pacte qu’on venait de conclure avec lui profitait implicitement à ce prince son allié,