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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

prit d’opposition et de mauvaise volonté ; et finit par les laisser à peu près au point où il les avait pris. Je ne saurais trop vous répéter, que tout perfectionnement graduel est préférable et presque toujours de plus longue durée, que celui qui est l’effet d’une révolution violente.

Mais de toutes les manières de faire la charité, les aumônes distribuées sans choix sont la moins judicieuse. De telles aumônes encouragent la paresse et la ruse ; elles donnent à la fainéantise et au vice le pain qui devrait être le prix du travail. En offrant à la mendicité une récompense assurée, elles dressent les hommes à ce métier, aussi régulièrement que l’on peut les dresser à tout autre. C’est ce qui devient plus sensible dans les pays catholiques, où l’on envisage généralement l’acte de faire l’aumône comme un devoir religieux ; et surtout dans les villes où il y a des couvents et des établissements richement dotés, qui répandent sans choix des dons considérables.

Townsend dit, dans son Voyage d’Espagne, « que l’archevêque de Grenade eut une fois la curiosité de compter le nombre des mendiants à qui il distribuait chaque jour du pain à sa porte. Il trouva que les hommes étaient au nombre de 2000, et les femmes de 3024, mais celles-ci une autre fois étaient au nombre de 4000.

Léon, privée de commerce, est entretenue par l’église. Les mendiants abondent dans toutes les rues, tous nourris par les couvents et au palais de l’évêque. Là ils vont déjeuner, ici ils trouvent à dîner. Outre la nourriture, ils reçoivent, de deux jours l’un, à Saint-Marc, les hommes un farthing, les femmes et les enfants un demi-farthing. C’est sur ce fonds qu’ils vivent, qu’ils se marient, et perpétuent leur misérable race. S’il était possible de bannir la pauvreté et la misère par quelque autre moyen que le travail et l’assiduité, la bienfaisance pourrait impunément le tenter, distribuer sans distinction des vêtements à ceux qui en sont privés, des aliments à ceux qui ont faim, des logements à ceux qui en manquent. Mais le malheur est, que cette bienfaisance sans choix est une prime à l’indolence, à la prodigalité et au vice. »

CAROLINE.

Tout cela est vrai ; mais vous conviendrez qu’il est extrêmement