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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

pour l’établissement et le maintien de la propriété, de quelque espèce qu’elle soit, que le droit de propriété est établi.

CAROLINE.

Vous m’étonnez ! Je croyais que la propriété de la terre avait toujours existé ; je n’avais pas imaginé que ce fût une institution légale ; je croyais qu’elle était aussi ancienne que le monde. Nous lisons qu’au temps des patriarches, quand les familles devinrent trop nombreuses, elles se séparèrent, et que ceux qui allèrent s’établir ailleurs, paissaient leurs troupeaux et occupaient la terre sans éprouver aucune molestation. Il n’y avait là personne pour contester leur droit ; et, après leur mort, les enfants habitaient et cultivaient la terre de leurs pères.

Si nous fondions une colonie dans une île déserte, chaque colon cultiverait autant de terrain qu’il lui en faudrait pour son usage, et comme chacun aurait un égal intérêt à la conservation de ses possessions, la propriété se trouverait établie par un consentement généra], sans aucune institution légale.

MADAME B.

Ce consentement général est une espèce de loi, très-imparfaite à la vérité, et qui, dans l’origine peut-être, était fondée sur la force relative des individus. Si un homme tentait d’enlever le bétail ou les fruits d’un autre, celui-ci opposait la force à la force ; s’il était le plus fort ou le mieux armé, il tuait son adversaire ou le chassait de ses terres ; s’il était le plus faible, il était dépouillé, ou bien il appelait ses voisins à son secours, leur remontrait le danger commun, et les engageait peut-être à s’unir à lui pour se venger de l’agresseur.

Plusieurs incidents de cette nature doivent avoir eu lieu avant que les lois aient été régulièrement instituées ; c’est-à-dire, avant qu’on ait établi une autorité publique, protectrice des individus contre ceux qui les attaquent, et chargée de punir les contrevenants. Ce n’est qu’au moment où cette autorité vient donner de l’appui à la loi, qu’un homme peut dire : « Ce champ est à moi ; c’est ici ma maison ; cette semence que je mets en terre produira une abondante récolte, qui m’appartiendra tout entière ; ces arbres que je plante, chaque année me rapporteront des fruits que j’aurai seul droit de cueillir. »