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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

blé est devenu libre, de manière que vous continuerez à faire les mêmes profits, que nous mangerons du pain moins cher, et que toute la perte tombera sur les propriétaires, qui sont plus en état que nous de la supporter. Quant aux pièces de mauvais terrain, elles ne resteront point incultes, quoique vous n’y semiez plus de blé ; on les mettra en pâturages pour nourrir le bétail, ce qui rapportera aussi quelque argent : alors la viande, le lait, le beurre et le fromage seront comme le pain, plus abondants et moins chers ; nous pourrons régaler quelquefois nos enfants d’une jatte de lait à déjeuner, et nous mettrons plus souvent le pot au feu. Oh ! quel bon temps ce sera, pour les pauvres gens !

— Dites ce que vous voudrez, John, mais pour moi j’ai pitié de nos propriétaires, et je serais plus disposé à les favoriser que les négociants étrangers.

— Ayez plutôt pitié des pauvres de votre pays, maître Stubbs, ce sont eux qui le méritent ; et si par hasard il résultait de tout cela quelque avantage pour nos voisins, tant mieux, quand même ils sont étrangers : d’ailleurs, s’ils ont plus de blé qu’ils n’en peuvent consommer, ne vaut-il pas mieux que nous en profitions, que de le laisser perdre ou de le prodiguer inutilement ?

— Oh ! quant à cela, John, ils ne sèmeront pas plus de blé qu’ils n’auront la chance d’en vendre ; il en coûte trop pour le cultiver, même sur les meilleurs terrains. Ainsi, croyez-moi, attendez que nos récoltes aient manqué pour faire venir du blé de l’étranger.

— Ne dites-vous pas, maître Stubbs, que si les pays où le blé croît facilement ne font pas un commerce régulier de cette denrée avec l’étranger, ils n’en cultiveront certainement pas plus que cela n’est nécessaire à leur consommation ? Par conséquent, s’il y avait une disette chez nous, ils n’auraient point de blé à nous fournir.

— Soyez tranquille, ils s’en priveraient plutôt que de manquer l’occasion de faire un si bon marché.

— Mais pensez-vous que nous devions les tenter par un prix considérable, afin de les engager à nous céder leur blé, tandis que si nous leur en achetions régulièrement chaque année, ils en cultiveraient davantage, et nous ne serions pas forcés de leur en donner un prix exorbitant ? Et s’il nous arrivait d’avoir une disette.