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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

ils travaillèrent avec un redoublement d’activité. Loin d’être contents d’une subsistance faible et précaire, ils amassent pour l’avenir, ils accumulent quelques petites provisions, non-seulement des choses nécessaires, mais de celles qui peuvent, de manière ou d’autre, contribuer à l’aisance et au bien-être. L’un a une provision de flèches pour la chasse ; l’autre, des vivres pour l’hiver ; un troisième, des habits et des ornements destinés à la parure. Ils restent en possession de ces petites propriétés, sans que personne les inquiète et trouble leur jouissance ; mais ceux qui ne peuvent plus les leur enlever par force ou par ruse, cherchent d’autres moyens de les obtenir. Dans la saison de la chasse, ils iront au fabricateur de flèches ; mais ils n’iront pas les mains vides ; il faudra qu’ils aient quelque chose à offrir en échange, quelque chose qu’ils pensent être propre à tenter le propriétaire des flèches et à l’engager à s’en dessaisir. Ceux au contraire qui n’auraient rien à donner en retour, seront obligés de se passer de flèches, quelque besoin qu’ils puissent en avoir.

Voilà donc un nouveau stimulant pour l’esprit d’industrie. Quiconque a accumulé quelque espèce de bien au delà de ce qui lui est nécessaire pour lui-même, trouvera à échanger ce surplus contre quelque autre chose qui servira mieux ses désirs. À mesure que les objets de nos désirs se multiplient, l’ardeur de les posséder et les efforts faits pour les obtenir croissent aussi ; et l’industrie de l’homme se déploie pour les produire, ou pour produire quelque chose qui serve à les lui procurer. C’est ainsi que la langueur apathique et l’indolence inerte du sauvage font place à la curiosité, à l’admiration, au désir, à l’activité, à l’industrie de l’homme civilisé.

L’homme, par exemple, qui cultive le premier un petit morceau de terre, fait naître une espèce d’abondance générale, non-seulement parce qu’il enseigne à travailler la terre, mais parce qu’il vivifie l’industrie, et lui donne une forte impulsion. Il ne peut pas consommer tout le produit de son petit jardin ; il faut donc qu’il échange le surplus contre les choses dont il a besoin.

CAROLINE.

D’ailleurs, il n’aurait pas assez de temps à donner à la culture de son jardin, s’il était obligé de pourvoir à tous ses besoins par lui-même,