tuinien aussi près de moi, avec leur interprète. Le Khan, se tournant vers moi, me parla ainsi : « Dites-moi la vérité, si quand je vous ai envoyé mes secrétaires vous avez dit que j’étais tuinien. — Monseigneur, lui répondis-je, je n’ai jamais tenu de telles paroles, mais s’il plaît à Votre Majesté impériale de m’écouter, je vous rapporterai les mots mêmes que j’ai prononcés. » Ce que je lui récitai de point en point ; alors il me dit qu’il croyait bien que je n’avais pas ainsi parlé, ni que je le dusse faire aussi, mais que la faute devait venir à l’interprète, qui l’avait mal expliqué ; et sur cela il tourna son bâton ou sceptre vers moi, disant que je ne craignisse point ; et moi, en souriant, je dis tout bas que si j’eusse eu de la crainte, je ne fusse pas venu là[1]. Alors il demanda à mon interprète ce que je disais. On le lui rapporta mot pour mot. Après cela il commença à me faire comme une profession de foi.
« Nous autres Moals, me dit-il, nous croyons qu’il n’y a qu’un Dieu, par lequel nous vivons et mourons, et vers lequel nos cœurs sont entièrement portés.
— Dieu vous en fasse la grâce, monseigneur, lui dis-je ; car sans grâce cela ne peut être. »
Il demanda encore ce que j’avais dit, et l’ayant su il ajouta que comme Dieu avait donné aux mains plusieurs doigts, ainsi avait-il ordonné aux hommes plusieurs chemins pour aller en paradis. Que Dieu nous avait donné l’Écriture sainte à nous autres chrétiens, mais que nous ne la gardions et ne l’observions pas bien, et que nous n’y trouverions pas qu’aucun de nous doive blâmer les autres.
« Y trouvez-vous cela ? dit-il.
— Non, dis-je, mais je vous ai déclaré dès le commencement que je ne voulais point avoir de contention ni de dispute avec personne.
- ↑ Sur cette remarque, aussi juste qu’ingénue, on peut en effet reconnaître que l’humble moine donnait la preuve d’un incontestable courage dans l’accomplissement d’une mission que le caractère du souverain rendait à la fois très délicate et très périlleuse.