Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/129

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avions besoin seulement de quelque peu de chose pour notre dépense et frais du voyage, et que sans son assistance nous ne pouvions pas sortir des terres de son empire. Il nous fit réponse à cela, qu’il nous ferait pourvoir de toutes les choses nécessaires jusqu’à ce que nous fussions hors des lieux de sa domination, et si nous voulions encore davantage que cela. Je lui dis que c’était assez pour moi. Il me demanda jusqu’à quel lieu nous voulions être conduits ; je lui répondis que sa seigneurie et domination s’étendant jusqu’aux terres du roi d’Arménie, ce serait assez si nous pouvions aller jusque-là. Il dit qu’il ferait en sorte que nous y fussions conduits en toute sûreté ; et qu’après nous eussions soin de nous et fissions ce que nous pourrions. Il ajouta encore ces paroles : « Il y a deux yeux en tête, et bien qu’ils soient deux, ils n’ont toutefois qu’un même regard, et où l’un porte son rayon l’autre y dresse aussi le sien ; vous êtes venus de devers Baatu, et par là faut-il aussi que vous vous en retourniez. »

Sur cela je lui demandai la permission de parler encore. « Parlez, » dit-il.

« Sire, lui dis-je, nous ne sommes pas gens de guerre ; nous désirons que ceux-là aient la domination ici-bas qui se voudront gouverner avec plus de justice, suivant la volonté du Dieu souverain ; notre charge est seulement d’enseigner aux hommes à vivre selon ses commandements ; c’est le seul sujet qui m’a fait venir ici, où j’eusse volontiers désiré demeurer, s’il vous eût plu ; mais puisque votre volonté est que nous nous en retournions, nous sommes prêts d’obéir à Votre Majesté et de porter vos lettres comme nous pourrons, suivant votre commandement. » Il ne répondit rien à cela et fut longtemps à penser en soi-même sans dire mot, et mon interprète me défendait de parler davantage ; mais désirant avoir réponse sur cela, j’attendais toujours en grand souci ce qu’il me voudrait dire. Enfin il me dit qu’ayant un long voyage à faire nous devions nous bien pourvoir de tout ce qui nous serait