Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/262

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est bâtie dans un marais à peu près comme Venise, en sorte que sans le grand nombre de ses ponts il serait impossible d’aller d’une rue à l’autre. Il y a des artisans et des négociants en si grand nombre que cela paraîtrait incroyable si je le rapportais. Les maîtres ne travaillent point, mais ils ont des garçons pour cela. Les habitants de cette ville vivent dans les délices, mais surtout les femmes ; ce qui les fait paraître plus belles qu’ailleurs. Du côté du midi il y a un grand lac dans l’intérieur des murailles de la ville, qui a trente milles de circonférence[1], sur lequel on voit plusieurs maisons de gentilshommes, ornées dehors et dedans. Il y a là aussi des temples des idoles. Au milieu du lac il y a deux petites îles, où l’on voit dans chacune un très magnifique château ou palais, dans lesquels on garde tous les ustensiles nécessaires à de grands festins ; car tous les citoyens donnent de grands repas et mènent là leurs invités pour les recevoir avec plus d’honneur. Il y a dans cette ville de Quinsai des maisons très magnifiques ; il y a aussi dans chaque rue des tours publiques, où chacun retire ses effets dans les incendies. Car cette ville a beaucoup de maisons de bois ; ce qui fait qu’elle est sujette au feu. Les habitants sont idolâtres ; ils mangent la chair de cheval, de chien et d’autres animaux impurs ; ils se servent de la monnaie du Grand Khan. Le Grand Khan y a mis une forte garnison, pour la tenir en bride ; et, pour empêcher les vols et les homicides, il y a une patrouille de dix hommes, la nuit, sur chaque pont. Il y a dans l’enceinte de cette ville une montagne qui soutient une tour, sur le haut de laquelle il y a des tables de bois que l’on y conserve ; les gardes qui font sentinelle toutes les nuits, dès qu’ils aperçoivent le feu en quelque endroit de la ville, frappent sur ces tables avec des maillets de bois, dont le bruit se fait entendre par toute la ville et réveille

  1. La Grande Géographie chinoise dit qu’en 1354 les murs de cette ville avaient six mille quatre cents tchangz, ce qui équivaut à environ vingt-quatre kilomètres.