Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/271

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dangereux au succès de leur entreprise. Car ils ne prirent qu’un seul château, lequel étant pris, ceux qui avaient été chargés de le défendre par le roi de Zipangu furent condamnés par le général à être passés par le fil de l’épée. Parmi ces misérables il s’en trouva huit qui avaient de certaines pierres attachées à leurs bras, dont l’efficace était telle, sans doute par les enchantements diaboliques, qu’il fut impossible en aucune manière de les blesser, bien moins de les tuer avec le fer, en sorte que l’on résolut de les assommer à coups de leviers[1].

IV
Les vaisseaux des Tartares se brisent et périssent.


Il arriva un jour que, s’étant levé sur mer une furieuse tempête, les vaisseaux des Tartares furent jetés sur les côtes ; sur quoi les matelots ayant pris conseil éloignèrent de terre leurs vaisseaux, sur lesquels étaient les deux armées tartares. Mais, la tempête augmentant, plusieurs des navires s’entr’ouvrirent, et beaucoup de monde fut submergé. Il y en eut parmi ceux-ci qui se sauvèrent sur des planches et autres débris à une petite île dont ils n’étaient pas fort éloignés, et qui est assez près de l’île de Zipangu[2]. Ceux qui échappèrent avec leurs vaisseaux s’en retournèrent chez eux ; on compta jusqu’à trente mille hommes de ceux qui s’étaient sauvés du naufrage dans cette petite île, après que leurs vaisseaux furent rompus. Et comme ils ne savaient comment faire pour sortir de là, et que l’île, qui était inhabitée, ne pouvait leur fournir des vivres, ils n’attendaient plus que la mort.

  1. Marco Polo parle ici d’après ce qu’il a pu entendre dire par des soldats ayant fait partie de l’expédition. Les Orientaux, comme le remarque très justement M. Pauthier, ne sont pas seuls à croire au pouvoir des amulettes. « On pourrait citer chez nous, dit-il, des militaires qui ont cru être préservés des boulets et des balles par certains objets bénits qu’ils portaient sur eux. »
  2. Apparemment l’île de Sado.