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ne veulent pas toutefois être appelés chrétiens, mais Moals seulement, qui est le nom qu’ils veulent exalter par-dessus toutes choses ; ils ne veulent pas non plus qu’on les appelle Tartares, d’autant que les vrais Tartares ont été un autre peuple, comme je le dirai plus loin, suivant ce que j’en ai appris.


XIX


L’honneur que Sartach, Mangu-Khan, et Ken-Khan font aux chrétiens ; l’origine de Cingis et des Tartares.


Du temps que les Français prirent la ville d’Antioche (en 1097), il y avait pour monarque, en ces parties septentrionales, un prince nommé Ken-Khan : Ken était son nom propre, et Khan un titre de dignité, qui a la même signification que devin, car ils appellent tous les devins khan ; de là leurs princes ont pris ce nom, parce que leur charge est de gouverner les peuples par le moyen des augures ; de sorte qu’on lit aux histoires d’Antioche que les Turcs envoyèrent demander secours à Ken-Khan contre les Franks, d’autant que les Turcs sont eux-mêmes venus de ces pays-là. Ce Ken-Khan était roi du Cara-Cathay, c’est-à-dire « noir Cathay » (« cara » signifie noir, et « Cathay » est un nom de pays), pour le distinguer d’un autre Cathay (la Chine) qui est vers l’orient, le long de la mer, dont je parlerai ci-après. Ce Cathay-là est au dedans de certaines montagnes par où j’ai passé, avec une grande campagne où était autrefois un grand prêtre nestorien, qui était seigneur d’un peuple nommé Nayman, tous chrétiens nestoriens. Ce Ken-Khan étant mort, ce prêtre nestorien s’éleva et se fit roi. Tous les nestoriens l’appelaient le roi Prêtre-Jean, et disaient de lui des choses merveilleuses, mais beaucoup plus qu’il n’y avait en effet. Car c’est la coutume des nestoriens venant de ces pays-là de faire un grand bruit de peu de chose, ainsi qu’ils ont fait courir partout que Sartach était chrétien, aussi