Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/64

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au passage des ambassadeurs allant et venant à la cour de Baatu, qui est située par le rivage opposé.

Nous descendîmes dans une barque depuis ce logement jusqu’à sa cour, et depuis ce lieu-là jusqu’aux bourgs et villages de la Grande-Bulgarie, vers le nord, il y a cinq journées. Je me suis souvent étonné comment le diable y avait porté la fausse loi de Mahomet : car depuis la Porte de fer, qui est à l’extrémité de la Perse, il y a plus de trente journées de marche, en montant les déserts le long d’Étilia, jusqu’en ces pays de Bulgarie la Grande, où il ne se trouve aucun village, sinon quelques cabanes et hameaux, là où l’Étilia entre dans la mer. Ces Bulgares sont de très méchants mahométans, et plus opiniâtres en leur loi que tous les autres. Quand nous arrivâmes à la cour de Baatu, je fus surpris de voir sa maison seule étendue comme une très grande ville, et une multitude de peuples occupant plus de trois ou quatre lieues. Et comme autrefois le peuple d’Israël savait chacun de quel côté il devait dresser ses tabernacles, aussi ceux-ci savaient en quel endroit des environs de la cour ils se devaient poser, quand ils arrêtaient leurs cabanes et maisons roulantes. Si bien que cette cour, ou maison principale du seigneur, s’appelle en leur langue « curia orda », c’est-à-dire la cour du milieu, à cause qu’elle est toujours au milieu de tous leurs hommes, quoique personne n’ose loger à son midi, qui est laissé complètement libre, d’autant que ses portes s’ouvrent de ce côté-là ; mais ils s’étendent tous à droite ou à gauche tant qu’il leur plaît, selon que les lieux le permettent, pourvu qu’ils ne se mettent point devant ni à l’opposite de la cour. Nous fûmes conduits vers un certain sarrasin, qui ne nous fit point donner de vivres. Le lendemain nous allâmes à la cour, où Baatu avait fait élever une grande tente, parce que la maison n’était pas capable de tenir tant d’hommes et de femmes qui y étaient rassemblés.

Notre guide nous avertit de ne dire rien jusqu’à ce que Baatu nous le commandât, et qu’alors nous pourrions parler, mais en peu de mots. Il nous demanda si