Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/79

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par nos fréquentes disputes et conférences, à ce point-là de croire qu’il n’y a qu’un Dieu. Ces peuples habitaient de tout temps dans des villes et cités qui après furent sous l’obéissance de Cingis-Khan, qui donna une de ses filles à leur roi. La ville de Caracorum[1] est peu éloignée de ce pays-là, environné de toutes les terres du Prêtre-Jean et de son frère Vut. Ceux-ci étaient aux campagnes et pâturages vers le nord, et les Jugures aux montagnes vers le midi ; de là est venu que ceux de Moal se sont formés à l’écriture, car ils sont grands écrivains ; et presque tous les nestoriens ont pris leurs lettres et leur langue. Après eux sont les peuples de Tanguth vers l’orient, entre les montagnes ; hommes forts et vaillants, qui prirent Cingis en guerre ; mais étant délivré et ayant fait la paix avec eux, il les attaqua après et les subjugua. Ils ont des bœufs fort puissants, qui ont des queues pleines de crin comme les chevaux, et ont le ventre et le dos couverts de poils ; mais aussi sont-ils plus petits de jambes que les autres et néanmoins très furieux. Ils tirent les grandes maisons roulantes des Moals, et ont les cornes fort menues, longues, pointus et fort piquantes, si bien qu’il les faut toujours rogner par le bout. Les vaches sont aussi du naturel du buffle : quand elles voient quelqu’un vêtu de rouge, elles lui courent sus pour le tuer.

Après ces peuples-là sont ceux de Tebeth[2], dont l’abominable coutume était de manger leur père et leur mère morts ; ils pensaient que ce fût un acte de piété de ne leur donner point d’autre tombeau que leurs propres entrailles ; mais maintenant ils l’ont quittée, car ils étaient en abomination à toutes les autres nations. Toutefois ils ne laissent pas de faire encore de belles tasses du test (crâne) de leurs parents, afin qu’en buvant cela les fasse ressouvenir d’eux en leurs réjouissances. Cela me fut raconté par un qui l’avait vu.

  1. Sur la situation de cette ville, capitale du premier empire mongol et résidence habituelle de Mangu-Khan, voy. Marco Polo, liv. Ier, chap. li, en note.
  2. Thibet, — Voy. Marco Polo, liv. II, chap. xxxvi.