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gens-là à Caracorum. C’est aussi la coutume que les pères enseignent toujours à leurs enfants le même métier et office qu’ils ont exercé ; c’est pourquoi ils payent autant de tribut l’un que l’autre. Les prêtres des idoles de ce pays-là portent de grands chapeaux ou coqueluchons jaunes ; et il y a entre eux, ainsi que j’ai ouï dire, certains ermites ou anachorètes qui vivent dans les forêts et les montagnes, menant une vie très surprenante et austère. Les nestoriens qui sont là ne savent rien du tout ; ils disent bien le service et ont les livres sacrés en langue syriaque, mais ils n’y entendent chose quelconque. Ils chantent comme nos moines ignorants et qui ne savent pas le latin : de là vient qu’ils sont tous corrompus et méchants, surtout fort usuriers et ivrognes.


XXIX


De ce qui nous arriva en allant au pays des Naymans.


Nous partîmes de la ville de Cailac le jour de Saint-André, 30 de novembre ; à trois lieues de là nous allâmes à un château au village des nestoriens. Étant entrés en leur église, nous y chantâmes hautement et avec joie un Salve Regina, parce qu’il y avait fort longtemps que nous n’avions vu d’église. Au partir de là nous arrivâmes en trois jours aux confins de cette province, où est le commencement de cette grande mer, ou lac, qui nous sembla aussi tempétueux que le grand Océan, et y vîmes une grande île au milieu ; mon compagnon s’en approcha et y mouilla quelque linge pour en goûter de l’eau, qu’il trouva un peu salée, mais telle toutefois qu’on en pouvait boire. Il y avait de l’autre côté vis-à-vis une grande vallée entre de hautes montagnes vers le midi et le levant, et au milieu des montagnes un autre grand lac. Une rivière passait par ladite vallée d’une mer à l’autre. De là il soufflait continuellement des vents si forts et si puissants, que les passants couraient risque que le vent ne les