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ORAISON FUNÈBRE

ne pense à aulcun mal & n’est point maligne. Or Marguerite, jugeant l’esprit & le cœur d’aultruy selon le sien, croioit tout & aisément se laisseoit tromper comme celle qui n’eust voulu tromper personne. Il est propre & quasi comme naturel aux Princes & grands Seigneurs d’adjouxter facilement foy aux parolles de ceuls par le conseil & prudence desquels ils sont gouvernés, & par ainsi ou quelquefois ils font actes répugnants au devoir & office d’un Prince. Combien qu’ils n’en soient du tout excusables, ce néantmoins le fault imputer à ceuls qu’ils hont à leur costé, à leurs aureilles & à leur conseil, comme nous estimerons qu’on leur devra attribuer si les Princes gouvernent leurs subgets saigement, droictement & en vray Prince.

Mais quoy, pourra dire le détracteur, vouldras tu excuser, sur ceste simplicité & candeur, que Marguerite recevoit trèshumainement ceuls qui sentoient bien peu chrestiennement de nostre foy & religion ? Certes je ne te dy cela, & aussi ne te confesseray je ce que tu dis. Mais, qui que soit qui essaiera imprimer ceste note à Marguerite, il fault, ou que jamais il ne l’ayt congnue, ou qu’il soit le plus impudent de tous les hommes. Mais faignons qu’ainsi soit qu’elle ait aidé & porté faveur à quelques uns, l’issue & la fin desquels a donné tesmoignage à leur impiété, vouldrois tu de cela inférer qu’elle ayt esté impie ? Mais S. Jhean commande que nostre porte ne soit ouverte à un tas de gents impies, sans loy, sans foy, qui n’apportent saine doctrine, &, qui plus est, il nous défend de les saluer, disant que qui fera aultrement communique à leurs maulvaises œuvres. Certes c’est trèsbien & chrestiennement dict, mais, si quelcun vient à toy de qui tu n’auras encore expérimenté les mœurs, luy refuseras tu le