Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/393

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
379
Xe NOUVELLE

ennuyé en les lisant qu’il avoit accoustumé se resjouir des premières.

Au bout de deux ou trois ans, après avoir faict tant de belles choses que tout le papier d’Espaigne ne les sçauroit contenir, imagina une invention très grande, non pour gaingner le cueur de Floride, car il le tenoit pour perdu, mais pour avoir la victoire de son ennemie, puis que telle se faisoit contre luy. Il meit arrière tout le conseil de raison & mesme la paour de la mort, dont il se mettoit au hazard ; délibéra & conclut d’ainsy le faire. Or feit tant envers le grand Gouverneur qu’il fut par luy député pour venir parler au Roy de quelque entreprinse secrette qui se faisoit sur Locatte, & se feit commander de communiquer son entreprinse à la Contesse d’Arande avant que la déclairer au Roy, pour en prendre son bon conseil. Et vint en poste tout droict en la Conté d’Arande, où il sçavoit qu’estoit Floride, & envoya secrètement à la Comtesse ung sien amy luy déclairer sa venue, luy priant la tenir secrette & qu’il peust parler à elle la nuict sans que personne en sçeust rien.

La Comtesse, fort joyeuse de sa venue, le dist à Floride & l’envoya deshabiller en la chambre de son mary, à fin qu’elle fust preste quand elle la manderoit & que chacun fût retiré. Floride, qui n’estoit pas encore asseurée de sa première paour,