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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/328

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IIIJe JOURNÉE

Marye, car chacun congnoissoit que dès son enfance elle estoyt si saige que jamais n’eust en elle ung seul signe de mondanité. Elle jeusnoit non seullement les jeusnes commandez de l’Église, mais plusieurs foys la sepmaine à sa dévotion, &, tant que l’on disoyt quelque service en l’Église, elle n’en bougeoyt ; par quoy sa vie estoyt si estimée de tout le Commung que chacun par miracle la venoyt veoir, & estoyt bien heureux qui luy povoyt toucher la robbe.

Le Curé de la Paroisse estoyt son frère, homme d’aage & de bien austère vie, aymé & estimé de ses parroissiens, & tenu pour ung sainct homme, lequel tenoyt de si rigoureux propos à sa dicte seur qu’il la feyt enfermer en une maison, dont tout le peuple estoyt mal contant, & en fut le bruict si grand que, comme je vous ay dict, les nouvelles en vindrent à l’oreille du Conte, lequel, voyant l’abbus où tout le peuple estoyt, desirant les en oster, envoya ung Maistre des Requestes & ung Aulmosnier, deux fort gens de bien, pour en sçavoir la vérité, lesquelz allèrent sur le lieu & se informèrent du cas le plus dilligemment qu’ilz peurent, s’adressans au Curé, qui estoyt tant ennuyé de cest affaire qu’il les pria d’assister à la vériffication, laquelle il espéroyt faire le lendemain.

Ledict Curé, dès le matin, chanta la messe, où sa seur assista tousjours à genoulx, bien fort grosse,