Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Je te présente mon ami, Albert Janville...

Elle avait une façon franche de lui tendre la main et de le regarder en face en disant :

— Bonjour, monsieur, je suis heureuse de vous connaître, mon fils m’avait parlé souvent de vous.

Cela surprit Albert et le flatta d’autant plus n’étant pas lié intimement avec Pierre, il fallait, pour que celui-ci eût parlé de lui qu’Albert lui fût plus sympathique qu’il ne l’imaginait et ne l’espérait ; cela lui donna une plus haute idée de son propre mérite, et rien ne contribua plus à lui donner l’assurance nécessaire pour soutenir la conversation. Mme Emonot, lui ayant plu tout d’abord, ne tarda pas à le conquérir de plus en plus, par cet on ne sait quoi des manières qui allie l’esprit à la bonté, la fermeté à la douceur, témoigne d’une âme haute et débarrassée de préjugés mesquins, d’un cœur large et droit. Très vite, Albert eut cette intuition que Mme Emonot ne ressemblait pas aux autres femmes, leur était supérieure. Il subissait l’attrait indéfinissable d’une grâce féminine toute virile et cependant très délicate, et ne s’expliquait pas comment ce visage de femme de trente-cinq ans passés, beau et lumineux,