Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/67

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eussent cessé ; une clarté de réverbères à lampes d’huile les éclaira soudain, la gare jaunâtre parut ; il s’aperçut alors, avec une stupeur indignée, une étrange colère jalouse, que Ferdinand tenait les pieds de Gabrielle entrelacés aux siens, et qu’il lui serrait la taille de son bras libre, appuyant la main sous la gorge avancée de la jeune femme.

— Mon petit Albert, — dit Ferdinand, — tu serais bien gentil de porter mes valises, pendant que je vais prendre mon billet.

— C’est ça, — pensa Albert, — comme un domestique ! Et ce lui fut une étrange souffrance physique de regarder Archer tendre la main à sa femme qui laissa voir ses mollets, en sautant du marche-pied.

On était en avance. Gabrielle voulut attendre le train. Albert, ayant froid, car la soirée était fraîche, se morfondit dans son petit pardessus neuf et regretta le vieux manteau qu’il avait si fort méprisé. Il éternua deux fois sans que les Archer fissent attention à lui ; alors il les maudit en son cœur et voua l’univers entier à la destruction, il vit Gabrielle torturée, nue, en des assauts de ville, aux bras de soudards ivres, Ferdinand écrasé