Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/87

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d’un sentiment vrai ! Il pressentait peut-être que Mme Emonot, avec son visage de bonté et ses yeux de calme lumière, serait pour lui une amie sûre et la protectrice inviolée de son cœur d’enfant en mal de puberté. Il sentait bien, en tout cas, qu’elle n’avait rien de commun avec Gabrielle, rien de ses coquetteries lascives, rien de ses misérables et charmantes préoccupations d’enfant gâté. Mme Emonot serait-elle donc pour lui le bon ange grave et sévère, la conscience vivante et aimée ? — Aimée ? Quoi, aimerait-il déjà cette femme rencontrée la veille, uniquement parce qu’elle lui avait parlé avec intelligence, qu’elle l’avait regardé avec sympathie, qu’elle s’était montrée pour lui exactement ce qu’il fallait qu’elle fût, afin d’agir sur ce mobile et vaniteux et souffrant esprit d’adolescent ?

Mais, à supposer qu’elle dût s’intéresser un jour, demain, aujourd’hui peut-être même, à lui, qu’était-il, que valait-il pour qu’elle fît attention à lui ? Un peu d’humilité entra enfin dans son cœur, et il eut peur, vraiment, si elle allait le regarder froidement, fuir son salut, ne pas vouloir le reconnaître ?

Mais déjà, en l’entendant venir, Pierre et sa