Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/85

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Il ne faut pas médire de son prochain ! Ce dont je suis certain et que je puis bien dire, c’est qu’il avait derrière sa laiterie trois gros pommiers produisant des quantités prodigieuses de petites pommes d’amour. Eh bien ! le grippe-sou qui les donnait à ses gorets ne nous en aurait pas laissé prendre… une véreuse ! Seulement, des fois, Baptiste, sa femme et le gros chien noir faisaient les foins à l’autre bout de la terre !… Et alors faudrait pas croire que Fred, qui grimpait comme un écureuil, se privât de visiter les grosses branches. Et même que grand-père découvrit un jour… le pot aux roses, en prenant du foin sur la tasserie. Ce soir-là, en posant sa pipe sur l’armoire, il dit en me regardant d’une façon significative :

— Imagine-toi, Phonsine, que les écureux commencent à charroyer les pommes de Baptiste sur mon foin. Conrad, tu devrais étendre des collets sur la tasserie !…

Donc, un matin de cette semaine-là — je m’en souviens comme d’hier — le soleil me réveilla un peu plus tard que d’habitude dans le grenier où je couchais entre l’armoire au sucre du pays et les longues tresses de blé-d’inde pendues à la poutre. Je passai la tête à la lucarne. Dans le jardin deux grives tiraient des vers entre les rangs de choux. Le père Dieudonné descendait en charrette vers le cordon ; Willie et Fred