Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/33

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pour l’obliger à descendre de sa montagne, qu’on ne l’en arrachait que par une espèce de violence. C’est ce que firent des magistrats et des juges qui désiraient de le voir ; car, ne pouvant aller jusqu’à sa cellule, à cause de la difficulté des sentiers qui y conduisaient et du grand nombre de gens qu’ils avaient à leur suite, ils lui envoyèrent des criminels liés et conduits par des soldats, afin que, touché de compassion, il se portât plus facilement à descendre jusqu’à Pispir pour demander leur grâce, et que par là ils eussent occasion de l’entretenir, ce qui n’arrivait jamais sans fruit.

Ce n’était donc ni le désir de se répandre au dehors, ni le goût du commerce du monde qui le portait à sortir de sa retraite, mais la charité la plus épurée et l’accomplissement des desseins de Dieu, qui, selon l’expression de saint Athanase, l’avait donné comme un médecin à toute l’Égypte.

Une vie ornée de tant de vertus, pleine de bonnes œuvres, et si riche en mérites, le conduisit enfin à une mort précieuse aux yeux de Dieu. Elle est trop édifiante pour négliger d’en rapporter les moindres circonstances. C’est après saint Athanase que nous les détaillerons, Athanase, ce fidèle historien de sa vie et le sûr garant de ce que nous en avons dit.

Il y avait peu de temps qu’Antoine était de retour d’un voyage qu’il avait fait à Alexandrie ; et, sachant, par la connaissance que Dieu lui en avait donnée, que sa fin était proche, il voulut visiter encore une fois les solitaires de la montagne extérieure pour leur dire le dernier adieu. Les ayant donc rassemblés autour de lui, il leur parla ainsi : « Écoutez, mes très-chers enfants, les dernières instructions de votre père, car il n’y a pas d’apparence que je vous revoie jamais en cette vie. Il faut mourir, c’est à quoi je dois m’attendre bientôt, étant dans ma cent cinquième année. »