Page:Marius-Ary Leblond - En France, 1909.djvu/37

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« Où es-tu ? que fais-tu ? Dire qu’il est vrai que tu es jolie plus que toutes les jeunes filles — et que tu n’es pas là, et que je ne t’embrasserai ni ce soir, ni dimanche, et que pendant trois ans je ne te verrai pas. Ah ! je ne comprends plus la vie.

« Mais comme tu dois souffrir encore plus que moi, toi qui ne bouges pas dans l’espace, qui restes là et qui regardes la même chambre où je ne reviendrai plus. Moi, il me semble que c’est moi-même qui suis mort et ce n’est presque rien ; mais toi, il doit te sembler que c’est moi…

« Du courage, du courage Ah ! Eva, songe à ta santé. J’embrasse tes yeux. J’embrasse aussi ton nom, je le couvre de baisers ; j’embrasse ton souvenir qui est beau comme toi-même. Mon cœur bat, bat comme si j’allais te revoir et te presser contre moi. Je t’aime, je t’aime, je reviendrai, je t’épouserai, je le veux, nous serons heureux. Pense, pense tout le temps à moi. »

Elle restait là, hagarde de pitié, passionnée ; la jeune fille de sentimentalité docile ne persistait plus en elle que par l’abondance des larmes. Vierge frôle, frissonnante, son buste chaste et voluptueux exalté de tendresse, son cœur chargé mais se retrouvant plus ignorant devant les cris ardents du jeune homme lointain, elle se sentait pourtant une épouse, avec la gravité compatissante et chaleureuse des jeunes filles créoles, avec un infini besoin de le soigner, de le bercer, que l’évocation constante de la mer précisait encore. Son sentiment débordait et elle ne