Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 2.djvu/195

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eux pour me marier, qu’a-t-elle fait ? Elle a une terre à quelques lieues de la leur, elle y est venue, et à peine arrivée, m’a écrit, par un exprès, qu’elle venait ici, et que je la verrais une heure après sa lettre, qui est celle que j’ai perdue.

DORANTE

Oui, j’étais chez elle alors, et j’ai vu partir l’exprès qui nous a précédé : mais enfin c’est une très aimable femme, et qui t’aime beaucoup.

ROSIMOND

J’en conviens. Il faut pourtant que tu m’aides à lui faire entendre raison.

DORANTE

Pourquoi donc ? Tu l’aimes aussi, apparemment, et cela n’est pas étonnant.

ROSIMOND

J’ai encore quelque goût pour elle, elle est vive, emportée, étourdie, bruyante. Nous avons lié une petite affaire de cœur ensemble ; et il y a deux mois que cela dure : deux mois, le terme est honnête ; cependant aujourd’hui, elle s’avise de se piquer d’une belle passion pour moi. Ce mariage-ci lui déplaît, elle ne veut pas que je l’achève, et de vingt galanteries qu’elle a eues en sa vie, il faut que la nôtre soit la seule qu’elle honore de cette opiniâtreté d’amour : il n’y a que moi à qui cela arrive.

DORANTE

Te voilà donc bien agité ? Quoi ! tu crains les conséquences de l’amour d’une jolie femme, parce que tu te maries ! Tu as de ces sentiments bourgeois, toi Marquis ?