Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 3.djvu/318

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vaut quatre, et que vous voulez que j’épouse, savez-vous qu’il n’est, à ce qu’il dit, qu’un simple gentilhomme, et qu’il me faut un prince ? Il est vrai que dans nos États le privilège des princesses qui règnent est d’épouser qui elles veulent ; mais il ne sied pas toujours de se servir de ses privilèges.

HORTENSE

Madame, il vous faut un prince ou un homme qui mérite de l’être, c’est la même chose ; un peu d’attention, s’il vous plaît. Jeune, aimable, vaillant, généreux et sage, Madame, avec cela, fût-il né dans une chaumière, sa naissance est royale, et voilà mon Prince ; je vous défie d’en trouver un meilleur. Croyez-moi, je parle quelquefois sérieusement ; vous et moi nous restons seules de la famille de nos maîtres ; donnez à vos sujets un souverain vertueux ; ils se consoleront avec sa vertu du défaut de sa naissance.

LA PRINCESSE

Vous avez raison, et vous m’encouragez ; mais, ma chère Hortense, il vient d’arriver ici un ambassadeur de Castille, dont je sais que la commission est de demander ma main pour son maître ; aurais-je bonne grâce de refuser un prince pour n’épouser qu’un particulier ?

HORTENSE

Si vous aurez bonne grâce ? Eh ! qui en empêchera ? Quand on refuse les gens bien poliment, ne les refuse-t-on pas de bonne grâce ?