Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 3.djvu/321

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mois elle fut violente ; le second elle devint plus calme, à l’aide d’une de mes femmes qu’il trouva jolie ; le troisième elle baissa à vue d’œil, et le quatrième il n’y en avait plus. Ah ! c’était un triste personnage après cela que le mien.

LA PRINCESSE

J’avoue que cela est affligeant.

HORTENSE

Affligeant, Madame, affligeant ! Imaginez-vous ce que c’est que d’être humiliée, rebutée, abandonnée, et vous aurez quelque légère idée de tout ce qui compose la douleur d’une jeune femme alors. Être aimée d’un homme autant que je l’étais, c’est faire son bonheur et ses délices ; c’est être l’objet de toutes ses complaisances, c’est régner sur lui, disposer de son âme ; c’est voir sa vie consacrée à vos désirs, à vos caprices, c’est passer la vôtre dans la flatteuse conviction de vos charmes ; c’est voir sans cesse qu’on est aimable : ah ! que cela est doux à voir ! le charmant point de vue pour une femme ! En vérité, tout est perdu quand vous perdez cela. Eh bien ! Madame, cet homme dont vous étiez l’idole, concevez qu’il ne vous aime plus ; et mettez-vous vis-à-vis de lui ; la jolie figure que vous y ferez ! Quel opprobre ! Lui parlez-vous, toutes ses réponses sont des monosyllabes, oui, non ; car le dégoût est laconique. L’approchez-vous, il fuit ; vous plaignez-vous, il querelle ; quelle vie ! quelle chute ! quelle fin tragique ! Cela fait frémir l’amour-propre. Voilà pourtant mes aventures ; et si je me