Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 3.djvu/408

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HORTENSE

J’en dirai autant que vous, si vous le voulez ; cela ne tient à rien ; je ne vous verrai plus, je ne me gêne point, je dis tout.

LÉLIO

Quel bonheur ! mais qu’il est traversé ; cependant, Madame, ne vous alarmez point, je vais déclarer qui je suis à la Princesse, et lui avouer…

HORTENSE

Lui dire qui vous êtes !… Je vous le défends ; c’est une âme violente, elle vous aime, elle se flattait que vous l’aimiez, elle vous aurait épousé, tout inconnu que vous lui êtes ; elle verrait à présent que vous lui convenez. Vous êtes dans son palais sans secours, vous m’avez donné votre cœur, tout cela serait affreux pour elle ; vous péririez, j’en suis sûre ; elle est déjà jalouse, elle deviendrait furieuse, elle en perdrait l’esprit ; elle aurait raison de le perdre, je le perdrais comme elle, et toute la terre le perdrait. Je sens cela ; mon amour le dit ; fiez-vous à lui, il vous connaît bien. Se voir enlever un homme comme vous ! vous ne savez pas ce que c’est ; j’en frémis, n’en parlons plus. Laissez-vous gouverner ; réglons-nous sur les événements, je le veux. Peut-être allez-vous être arrêté ; ne restons point ici, retirons-nous ; je suis mourante de frayeur pour vous ; mon cher Prince, que vous m’avez donné d’amour ! N’importe, je vous le pardonne, sauvez-vous, je vous en promets encore davantage.