Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 3.djvu/439

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

TRIVELIN

Je ne la dirais pas à tout le monde ; mais je sais bien que je ne parle pas à un profane.

FRONTIN

Eh ! dis-moi, mon ami : qu’est-ce que c’est que ce paquet-là que tu portes ?

TRIVELIN

C’est le triste bagage de ton serviteur ; ce paquet enferme toutes mes possessions.

FRONTIN

On ne peut pas les accuser d’occuper trop de terrain.

TRIVELIN

Depuis quinze ans que je roule dans le monde, tu sais combien je me suis tourmenté, combien j’ai fait d’efforts pour arriver à un état fixe. J’avais entendu dire que les scrupules nuisaient à la fortune ; je fis trêve avec les miens, pour n’avoir rien à me reprocher. Était-il question d’avoir de l’honneur ? j’en avais. Fallait-il être fourbe ? j’en soupirais, mais j’allais mon train. Je me suis vu quelquefois à mon aise ; mais le moyen d’y rester avec le jeu, le vin et les femmes ? Comment se mettre à l’abri de ces fléaux-là ?

FRONTIN

Cela est vrai.

TRIVELIN

Que te dirai-je enfin ? Tantôt maître, tantôt valet ; toujours prudent, toujours industrieux, ami des fripons par intérêt, ami des honnêtes gens par goût ;