Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 3.djvu/543

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antipathie-là ; il en a fait un amour bien tendre ! Tenez, Madame, il me semble que je le vois à vos genoux, que vous l’écoutez avec un plaisir, qu’il vous jure de vous adorer toujours, que vous le payez du même serment, que sa bouche cherche la vôtre, et que la vôtre se laisse trouver ; car voilà ce qui arrive ; enfin je vous vois soupirer ; je vois vos yeux s’arrêter sur lui, tantôt vifs, tantôt languissants, toujours pénétrés d’amour, et d’un amour qui croît toujours. Et moi je me meurs ; ces objets-là me tuent ; comment ferai-je pour le perdre de vue ? Cruel dédit, te verrai-je toujours ? Qu’il va me coûter de chagrins ! Et qu’il me fait dire de folies !

LA COMTESSE

Courage, Monsieur ; rendez-nous tous deux la victime de vos chimères ; que je suis malheureuse d’avoir parlé de ce maudit dédit ! Pourquoi faut-il que je vous aie cru raisonnable ? Pourquoi vous ai-je vu ? Est-ce que je mérite tout ce que vous me dites ? Pouvez-vous vous plaindre de moi ? Ne vous aimé-je pas assez ? Lélio doit-il vous chagriner ? L’ai-je aimé autant que je vous aime ? Où est l’homme plus chéri que vous l’êtes ? plus sûr, plus digne de l’être toujours ? Et rien ne vous persuade ; et vous vous chagrinez ; vous n’entendez rien ; vous me désolez. Que voulez-vous que nous devenions ? Comment vivre avec cela, dites-moi donc ?

LE CHEVALIER

Le succès de mes impertinences me surprend. C’en est fait, Comtesse ; votre douleur me rend mon