Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/414

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tromperai plus. Si vous saviez au reste avec quel excès d’amour, avec quelle industrie de passion on est venu me surprendre, vous augureriez mal d’un cœur qui ne se serait pas rendu. La sagesse n’instruit point à être ingrat ; et je l’aurais été. On me voit plusieurs fois dans la forêt, on prend du penchant pour moi, on essaie de le perdre, on ne saurait : on se résout à me parler, mais ma réputation intimide. Pour ne point risquer un mauvais accueil, on se déguise, on change d’habit, on devient le plus beau de tous les hommes ; on arrive ici, on est reconnu. Je veux qu’on se retire ; je crois même que c’est à vous à qui on en veut ; on me jure que non. Pour me convaincre, on me dit : je vous aime ; en doutez-vous ? Ma main, ma fortune, tout est à vous avec mon cœur : donnez-moi le vôtre ou guérissez le mien ; cédez à mes sentiments, ou apprenez-moi à les vaincre ; rendez-moi mon indifférence, ou partagez mon amour ; et l’on me dit tout cela avec des charmes, avec des yeux, avec des tons qui auraient triomphé du plus féroce de tous les hommes.

AGIS

, agité.

Mais, Seigneur, cette tendre amante qui se déguise, l’ai-je vue ici ? Y est-elle venue ?

HERMOCRATE

Elle y est encore.

AGIS

Je n’y vois que Phocion.