Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/186

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avoir aujourd’hui conduite ici ! C’est à vous à qui il la ramène, mon cher monsieur, vous le voyez bien. Allons, ma fille, avouez votre faute ; repentez-vous-en dans l’abondance de votre cœur, et promettez de la réparer à force de respect, de confiance et de reconnaissance ; avancez, ajouta-t-il, parce que je me tenais éloignée de M. de Climal.

Eh ! monsieur, m’écriai-je alors en adressant la parole à ce faux dévot, est-ce que c’est moi qui ai tort ? comment pouvez-vous me l’entendre dire ? hélas ! Dieu sait tout ; qu’il nous rende justice. Je n’ai pu m’y tromper, vous le savez bien aussi. Et je fondis en larmes en finissant ce discours.

M. de Climal, tout intrépide tartufe qu’il était, ne put le soutenir. Je vis l’embarras se peindre sur son visage ; il ne put pas même le dissimuler ; et dans la crainte que le religieux ne le remarquât et n’en conçût quelque soupçon contre lui, il prit son parti en habile homme : ce fut de paraître naïvement embarrassé, et d’avouer qu’il l’était.

Ceci me déconcerte, dit-il avec un air de confusion pudique, je ne sais que répondre ; quelle avanie ! Ah ! mon père, aidez-moi à supporter cette épreuve ; cela va se répandre, cette pauvre enfant le dira partout ; elle ne m’épargnera pas. Hélas ! ma fille, vous serez pourtant bien injuste ; mais Dieu le veut. Adieu, mon père ; parlez-lui, tâchez de lui ôter cette idée-là, s’il est possible ; il est vrai que je lui ai marqué de la tendresse, elle ne l’a pas comprise : c’était son âme que j’aimais, que j’aime encore, et qui mérite