Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/253

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ferait à M. de Climal, qui passe pour un homme plein de vertu, et qui en effet en a beaucoup, mais qui s’est oublié dans cette occasion-ci. Le pauvre homme, à quoi songeait-il ? Allons, laissons cela, ce n’est pas de quoi il est question. Voyons la lettre de mon fils.

Elle la rouvrit. Mais, dit-elle tout de suite en s’arrêtant, il me vient un scrupule ; faisons-nous bien de la lire devant Marianne ? Peut-être aime-t-elle Valville ; il y a dans ce billet-ci beaucoup de tendresse ; elle en sera touchée, et n’en aura que plus de peine à nous rendre le service que nous lui demandons. Dis-nous, ma chère enfant, n’y a-t-il point de risque ? Qu’en devons-nous croire ? Aimes-tu mon fils ?

Il n’importe, madame, répondis-je ; cela n’empêchera pas que je ne lui parle comme je le dois.

Il n’importe, dis-tu ; tu l’aimes donc, ma fille ? reprit-elle en souriant, Oui, madame, lui dis-je, c’est la vérité ; j’ai pris d’abord de l’inclination pour lui, tout d’abord sans savoir que c’était de l’amour, je n’y songeais pas ; j’avais seulement du plaisir à le voir, je le trouvais aimable ; et vous savez que je n’avais point tort, car il l’est beaucoup ; c’est un jeune homme si doux, si bien fait, qui vous ressemble tant ! Et je vous ai aimée aussi, dès que je vous ai vue : c’est la même chose. Mme Dorsin et elle se mirent à rire là-dessus. Je ne me lasse point de l’entendre, dit la première, et je ne pourrai plus me passer de la voir ; elle est unique.

Oui, j’en conviens, repartit ma bienfaitrice ; mais je vais pourtant la quereller d’avoir dit à mon fils