Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/288

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je ne le voyais là (et je n’avais pas tant de tort) ; je me l’étais figuré plein de petites règles frivoles et de petites finesses polies, plein de bagatelles graves et importantes, difficiles à apprendre, et qu’il fallait savoir sous peine d’être ridicule, toutes ridicules qu’elles sont elles-mêmes.

Et point du tout ; il n’y avait rien ici qui ressemblât à ce que l’avais pensé, rien qui dût embarrasser mon esprit ni ma figure ; rien qui me fît craindre de parler, rien au contraire qui n’encourageât ma petite raison à oser se familiariser avec la leur ; j’y sentis même une chose qui m’était fort commode, c’est que leur bon esprit suppléait aux tournures obscures et maladroites du mien. Ce que je ne disais qu’imparfaitement, ils achevaient de le penser et de l’exprimer pour moi, sans qu’ils y prissent garde ; et puis ils m’en donnaient tout l’honneur.

Enfin ils me mettaient à mon aise ; et moi qui m’imaginais qu’il y avait tant de mystère dans la politesse des gens du monde, et qui l’avais regardée comme une science qui m’était totalement inconnue et dont je n’avais nul principe, j’étais bien surprise de voir qu’il n’y avait rien de si particulier dans la leur, rien qui me fût si étranger, mais seulement