Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/366

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ci, comme la femme du monde la plus respectable ; je ne saurais vous dire combien je l’aime, combien son procédé me touche, et mon cœur ne le cédera pas au sien. Essuyez vos pleurs, ma chère amie, et ne songeons plus qu’à nous lier d’une amitié qui dure autant que nous, ajouta-t-elle en me tendant la main, sur laquelle je me jetai, que je baisai, que j’arrosai de mes larmes, d’un air qui n’était que suppliant, reconnaissant et tendre, mais point humilié.

Cette amitié que vous me faites l’honneur de me demander me sera plus chère que ma vie ; je ne vivrai que pour vous aimer tous deux, vous et Valville, lui dis-je à travers des sanglots que m’arracha l’attendrissement où j’étais.

je ne pus en dire davantage ; Mlle de Fare pleurait aussi en m’embrassant, et ce fut en cet état que la surprit la femme de chambre dont je vous ai parlé, et qui venait savoir pourquoi elle avait sonné.

Approchez, Favier, lui dit-elle du ton le plus imposant ; vous avez de l’attachement pour moi, du moins il me le semble. Quoi qu’il en soit, vous avez vu ce qui s’est passé avec cette marchande ; je vous perdrai tôt ou tard, si jamais il vous échappe un mot de ce qui s’est dit ; je vous perdrai : mais aussi je vous promets votre fortune pour prix du silence que vous garderez. Et moi, je lui promets de partager la mienne avec elle, dit tout de suite Valville.

Favier, en rougissant, nous assura qu’elle se tairait ; mais le mal était fait, elle avait déjà parlé ; et c’est ce que vous verrez dans la sixième partie, avec tous les événements que