Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/439

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des qualités sur lesquels je me fiais, et qui m’ont trompée ; j’avais droit de croire ces gens-là généreux, et ils se trouvaient mesquins ; je les croyais mesquins, et ils se trouvaient généreux. Autrefois vous ne pouviez pas souffrir un livre ; aujourd’hui vous ne faites que lire ; peut-être que bientôt vous laisserez là la lecture, et peut-être redeviendrai-je paresseuse.

À tout hasard poursuivons notre histoire. Nous en sommes à l’apparition subite et inopinée de Mme de Miran et de Valville.

On n’avait point soupçonné qu’ils viendraient, de sorte qu’il n’y avait aucun ordre donné en ce cas-là.

La seule attention qu’on avait eue, c’était de finir mon affaire dans la matinée, et de prendre le temps le moins sujet aux visites.

D’ailleurs, on s’était imaginé que Mme de Miran ne saurait à qui s’adresser pour apprendre ce que j’étais devenue ; qu’elle ignorerait que le ministre eût eu part à mon aventure : mais vous vous rappelez bien la visite que j’avais reçue, il n’y avait que deux ou trois jours, d’une certaine dame maigre, longue et menue ; vous savez aussi que j’en avais sur-le-champ informé Mme de Miran, que je lui avais fait un portrait de la dame, qu’elle m’avait écrit qu’à ce portrait elle reconnaissait bien le spectre en question.

Et ce fut justement cela qui fit que ma mère se douta des auteurs de mon enlèvement ;