Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/456

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contente ? Elle restera à Paris, vous l’aimez, et vous ne la perdrez pas de vue, je m’y engage, et je ne l’entends pas autrement.

Là-dessus Mme de Miran jeta les yeux sur M. Villot, qui l’en remercia par une autre prosternation, quoique la façon dont on le regarda n’exigeât pas de reconnaissance.

Et puis ma mère, secouant la tête : Cette union n’est guère assortie, ce me semble, dit-elle, et j’ai peine à croire qu’elle soit du goût de Marianne. Monsieur, je me flatte, comme vous le dites, d’avoir quelque pouvoir sur elle ; mais je vous avoue que je ne l’emploierai pas dans cette occurrence-ci ; ce serait lui faire payer trop cher les services que je lui ai rendus. Qu’elle décide, au reste, elle est la maîtresse. Voyez, mademoiselle, consentez-vous à ce qu’on vous propose ?

Je me suis déjà déclarée, madame, lui répondis-je d’un air triste, respectueux, mais ferme : j’ai dit que j’aime mieux rester comme je suis, et je n’ai point changé d’avis. Mes malheurs sont bien grands ; mais ce qu’il y a encore de plus fâcheux pour moi, c’est que je suis née avec un cœur qu’il ne faudrait pas que j’eusse, et qu’il m’est pourtant impossible de vaincre. Jamais, avec ce cœur-là, je ne pourrai aimer le jeune homme qu’on me présente, jamais. Je sens que je ne m’accoutumerais pas à lui, que je le regarderais comme un homme qui ne serait pas fait pour moi. C’est une pensée qui ne me quitterait point : j’aurais beau la condamner et me trouver ridicule de l’avoir, je l’aurais