Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/491

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

manières simples, ingénues, caressantes, et pour tout dire enfin, le cœur comme les manières. C’est un éloge que je ne puis lui refuser, malgré tous les chagrins qu’elle m’a causés.

Je m’épris pour elle de l’inclination la plus tendre. La sienne pour moi, disait-elle, avait commencé dès qu’elle m’avait vue ; elle n’avait senti de consolation qu’en apprenant que je demeurerais avec elle. Promettez-moi que vous m’aimerez, que nous serons inséparables, ajouta-t-elle avec des tons, des serrements de main, avec des regards dont la douceur pénétrait l’âme et entraînait la persuasion ; de sorte que nous nous liâmes du commerce de cœur le plus étroit.

Elle était, pour ainsi dire, étrangère, quoiqu’elle fût née en France. Son père était mort, sa mère partait pour l’Angleterre, elle y pouvait mourir ; peut-être cette mère venait-elle de lui dire un éternel adieu ; peut-être au premier jour annoncerait-on à sa fille qu’elle était orpheline ; et moi j’en étais une ; mes infortunes allaient bien au delà de celles qu’elle avait à appréhender, mais je la voyais en danger d’éprouver une partie des miennes. Je songeais donc que son sort pourrait avoir bientôt quelque ressemblance avec le mien, et cette réflexion m’attachait encore plus à