Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/108

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pleurs et de mes gémissements qui étourdissaient les deux filles, et que je n’osai en effet continuer longtemps ; l’excès de ma douleur la rendit bientôt solitaire et muette, surtout depuis qu’elles surent que Mme de Tresle m’avait laissé un diamant d’environ deux mille francs, qu’une de ses amies lui avait autrefois donné en mourant, et qu’elles furent obligées de délivrer au confesseur de leur mère, qui devait me le remettre ; ce diamant les avait outrées contre moi, elles ne pouvaient pas me voir.

Comment ! est-il possible, disaient-elles, que notre mère nous ait moins aimées que cette petite fille ? N’est-il pas bien étonnant que ceux qui l’ont dirigée n’aient pas redressé ses sentiments, ni travaillé à lui en inspirer de plus naturels et de plus légitimes ? Jugez si cette petite fille aurait bien fait de se montrer ! Aussi ne les ai-je jamais oubliés, ces quatre jours que je passai avec elles, et que j’y passai dans les larmes.

Oui, Marianne, croiriez-vous que je n’y songe encore qu’en frémissant, à cette maison si désolée, où je n’étais plus rien pour qui que ce soit, où je me trouvais seule au milieu de tant de personnes, où je ne voyais plus que des visages la plupart ennemis, quelques-uns indifférents, et tous alors plus étrangers pour moi que si je ne les eusse jamais vus ? Car voilà l’impression qu’ils me faisaient. Considérez-moi dans cette chambre où l’on m’avait mise à l’écart, où je me sauvais de la rudesse et de l’aversion de mes tantes, où me retenait l’effroi de paraître à leurs yeux, et