Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/110

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ici, puisqu’il n’y demeurera plus personne, me dit-il ; allons, venez dans la salle où l’on déjeune.

Il fallut bien l’y suivre malgré moi, et sans savoir ce que j’allais devenir. Je n’y entrai qu’en tremblant, la tête baissée, avec un visage pâle et déjà maigri, avec du linge et des habits froissés pour avoir passé deux nuits sur mon lit sans m’être déshabillée, et cela par pur découragement, et parce qu’aussi qui que ce soit ne s’avisait le soir de venir voir ce que je faisais.

Je n’osais lever les yeux sur ces deux redoutables sœurs, j’étais à leur merci, je n’avais la protection de personne, et depuis que j’avais perdu Mme de Tresle, je ne m’étais pas encore sentie si privée d’elle que dans cet instant où je parus devant ses filles.

Et à propos, nous n’avons point encore songé à cette petite fille, dit alors la cadette du plus loin qu’elle m’aperçut ; qu’en ferons-nous donc ma sœur ? Car pour moi, je vous dirai naturellement que je ne saurais me charger d’elle ; ma belle-sœur et ses deux enfants sont actuellement chez moi, et j’ai assez de mes autres embarras sans celui-là.

Moi, assez des miens, repartit l’aînée. On rebâtit ma maison, il y en a une partie d’abattue ; où la mettrais-je ? Eh bien ! répondit l’autre, où est la difficulté ? Il n’y a qu’à la laisser chez ce bonhomme (c’était le vigneron qu’elle voulait dire), dont la femme en aura soin, et qui la gardera en attendant qu’on ait réponse de sa mère, à qui nous écrirons, qui enverra apparemment de l’argent, quoiqu’il n’en soit jamais venu de chez elle, et qui disposera de sa fille