Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/120

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parmi eux une personne grave et vénérable, ma présence en imposait ; et à tout âge, surtout à celui où j’étais, on aime à se voir de la dignité avec ceux avec qui l’on vit. C’est de si bonne heure qu’on est sensible au plaisir d’être honoré ! Aussi la veuve espérait-elle bien, par là me mener tout doucement à ses fins.

Sa maison n’était pas éloignée d’un couvent de filles, où nous allions pour le moins une ou deux fois la semaine.

Elle y avait une parente qui était instruite de ses desseins, et qui s’y prêtait avec toute l’adresse monacale, avec tout le zèle mal entendu dont elle était capable. Je dis mal entendu, car il n’y a rien de plus imprudent, et peut-être rien de moins pardonnable, que ces petites séductions qu’on emploie en pareil cas pour faire venir à une jeune fille l’envie d’être religieuse. Ce n’est pas en agir de bonne foi avec elle ; et il vaudrait encore mieux lui exagérer les conséquences de l’engagement qu’elle prendra, que de l’empêcher de les voir, ou que de les lui déguiser si bien qu’elle ne les connaît pas.

Quoi qu’il en soit, cette parente de ma veuve n’oubliait rien pour me gagner, et elle y réussissait ; je l’aimais de tout mon cœur, c’était une vraie fête pour moi que d’aller lui rendre visite ; et on ne saurait croire combien l’amitié d’une religieuse est attrayante, combien elle engage une fille qui n’a rien vu, et qui n’a nulle expérience. On aime alors cette religieuse autrement qu’on n’aimerait une amie du monde ; c’est une espèce de passion que l’attachement