Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/142

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plus sérieusement que jamais ; et il n’y avait plus à m’inquiéter de cet avenir dont on me parlait, si j’épousais le baron qui était riche.

Ce mari me répugnait, il est vrai ; mais je m’accoutumerais à lui. On s’accoutume à tout dans l’abondance, il n’y a guère de dégoût dont elle ne console.

Et puis, vous l’avouerai-je, moins à la honte de mon cœur qu’à la honte du cœur humain (car chacun a d’abord le sien, et puis un peu de celui de tout le monde), vous l’avouerai-je donc ? c’est que parmi mes réflexions j’entrevis de bien loin celle-ci, qui était que ce mari n’avait point de santé, comme le disait Mme de Sainte-Hermières, et me laisserait peut-être veuve de bonne heure. Cette idée-là ne fit qu’une apparition légère dans mon esprit ; mais elle en fit une dont je ne voulus point m’apercevoir, et qui cependant contribua sans doute un peu à me déterminer.

Eh bien ! madame, qu’on écrive donc à ma mère, dis-je tristement à Mme de Sainte-Hermières ; je ferai ce qu’elle voudra.

Le baron de Sercour rentra dans la chambre. Le cœur me battit en le voyant ; je ne l’avais pas encore si bien vu. Je tremblai en le regardant, et je le crus déjà mon maître.

Je vous apprends que voici votre femme, monsieur le baron, lui dit Mme de Sainte-Hermières, et que je n’ai pas eu de peine à la résoudre.

Là-dessus, je le saluai, toute palpitante. Elle me fait bien de l’honneur, répondit-il en me rendant mon salut avec une satisfaction qu’il modéra tant qu’il put,