Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/16

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lui rendre ses caresses ; je ne savais si je devais l’aimer ou la haïr, la traiter de rivale ou d’amie.

Il me semble cependant que dans le fond de mon âme je lui sus quelque gré de ces témoignages de franchise et d’amitié que je reçus d’elle, aussi bien que du parti queue prenait de ne plus voir Valville.

Je l’entendis soupirer en me quittant. Je ne vous verrai que demain, me dit-elle, et j’espère vous retrouver plus tranquille, et plus sensible à notre amitié ! À tout cela, nulle réponse de ma part ; je la suivis seulement des yeux jusqu’à ce qu’elle fût sortie.

Me voilà donc seule, immobile, et toujours renversée dans mon fauteuil, où je restai bien encore une demi-heure dans une si grande confusion de pensée et de mouvements, que j’en étais comme stupide.

La religieuse dont je vous ai quelquefois parlé, qui m’aimait et que j’aimais, entra et me surprit dans cet accablement de cœur et, d’esprit. J’eus beau la voir, je n’en remuai pas davantage, et je crois que toute la communauté serait entrée, que ç’aurait été de même.

Il y a des afflictions où l’on s’oublie, où l’âme n’a plus la discrétion de faire aucun mystère de l’état où elle est. Vienne qui voudra, on ne s’embarrasse guère de servir de spectacle, on est dans un entier abandon de soi-même ; et c’est ainsi que j’étais.

Cette religieuse, étonnée de mon immobilité, de mon silence et de mes regards stupides, s’avança avec une espèce d’effroi.

Eh ! mon Dieu, ma fille, qu’est-ce que c’est ? Qu’avez-