Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/204

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a-t-on pu se défaire d’un si excellent sujet ? Est-ce que sa maîtresse est morte ? C’est cela même, repartit Mme Dorfrainville, qui avait prévu la question, et qui ne s’était pas fait un scrupule d’imaginer de quoi y répondre. Elle sort de chez une dame qui mourut ces jours passés, qui en faisait un cas infini, qui m’en a dit mille fois des choses admirables, et qui la gardait depuis quinze ou seize ans. Je sais d’ailleurs qui elle est, je connais sa famille, elle appartient à de fort honnêtes gens ; et enfin je suis sa caution. Elle venait même dans l’intention de rester chez moi ; du moins n’a-t-elle pas voulu, dit-elle, entrer dans aucune des maisons qu’on lui propose, sans savoir si je ne la retiendrais pas : mais comme je ne suis pas mécontente de la mienne, qu’il vous en faut une, je vous la cède, ou pour mieux dire, je vous en fais présent ; car c’en est un.

Il ne fallait pas moins que ce petit roman-là, ajusté comme vous le voyez, pour engager Mme Dursan à la prendre, et pour la guérir des dégoûts qu’elle avait de tout autre service que de celui qu’elle n’avait plus.

Eh bien ! madame, quand me l’enverrez-vous ? lui dit-elle. Tout à l’heure, répondit Mme Dorfrainville ; elle ne viendra pas de bien loin, puisqu’elle se promène sur la terrasse de votre jardin, où je l’ai laissée. Quelque mérite, quelque raison qu’elle ait, je n’ai pas voulu qu’elle fût présente à son éloge ; elle ne sait pas aussi bien que moi tout ce qu’elle vaut, et il n’est pas nécessaire qu’elle le sache, nous nous passerons