Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/231

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Pour vous y exciter encore, songez que je vous aime, que j’ai du plaisir à penser que vous allez être dans une meilleure fortune, et que tous ces sentiments, avec lesquels je meurs pour vous, sont autant d’obligations que vous avez à ma nièce.

Elle s’arrêta là, elle demanda à se reposer ; Mme Dorfrainville ville l’embrassa, partit à onze heures. Et six jours après ma tante n’était plus.

Vous concevez aisément quelle fut ma douleur. Mme Dursan parut faire tout ce qu’elle put pour l’adoucir ; mais je ne fus guère sensible à tout ce qu’elle me disait : et quoiqu’elle fût affligée elle-même, je crus voir qu’elle ne l’était pas assez ; ses larmes n’étaient pas amères ; il y entrait, ce me semble, beaucoup de facilité de pleurer, et voilà pourquoi elle ne me consolait pas, malgré tous ses efforts.

Son fils y réussissait mieux ; il avait, à mon avis, une tristesse plus vraie ; il regrettait du moins son père de tout son cœur, et ne parlait de ma tante qu’avec la plus tendre reconnaissance, sans songer, comme sa mère, à l’abondance où il allait vivre.

Et puis je le voyais sincèrement s’intéresser à mon affliction. Ce dernier article n’était pas équivoque ; et peut-être, à cause de cela, jugeais-je de lui plus favorablement sur le reste.

Quoi qu’il en soit, Mme Dorfrainville vint deux jours après au château avec le papier cacheté que ma tante lui avait remis, et qui fut ouvert en présence de témoins, avec toutes les formalités qu’on jugea nécessaires.