Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/240

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d’amitié qui n’avaient qu’un défaut, c’est qu’elles étaient trop polies : je les aurais cru plus vraies, si elles avaient été plus simples ; le bon cœur ne fait point de compliments.

Quoi qu’il en soit, je partis, toujours incertaine du fond de ses sentiments, et par là toujours inquiète du parti qu’elle prendrait ; mais en revanche bien convaincue de la tendresse du fils.

Je ne vous en dirai que cela, je n’ai que trop souffert du ressouvenir de ce qu’il me dit alors, aussi bien que dans d’autres temps : il a fallu les oublier, ces expressions, ces transports, ces regards, cette physionomie si touchante qu’il avait avec moi, et que je vois encore, il a fallu n’y plus songer, et malgré l’état que j’ai embrassé, je n’ai pas eu trop de quinze ans pour en perdre la mémoire.

C’était dans un carrosse de voiture que nous voyagions, ma compagne et moi, et nous n’étions plus qu’à vingt lieues de Paris, quand, dans un endroit où l’on s’arrêta quelque temps le matin pour rafraîchir les chevaux, il vint une dame qui demanda s’il y avait une place pour elle dans la voiture.

Elle était suivie d’une paysanne qui portait une cassette, et qui tenait un sac de nuit sous son bras. Oui, lui dit le cocher, il y a encore une place de vide à la portière.

Eh bien ! je la prendrai, répondit la dame, qui la paya sur-le-champ, et qui monta tout de suite en carrosse, après nous avoir tous salués d’un air qui avait de la dignité, quoique très honnête, et qui ne sentait