Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/265

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quoique, dès le lendemain de son entrée chez lui, elle eût promis de lui en donner. Vous jugez bien que, dans sa fièvre, il lui a fallu des secours qui ont exigé une certaine dépense, et il ne lui en a refusé aucun, il a toujours tout avancé. Mais cet homme n’est pas riche. Elle se porte un peu mieux aujourd’hui ; et un chirurgien qui l’a saignée, qui a eu soin d’elle, qui lui a tenu lieu de médecin, un apothicaire qui lui a fourni des remèdes, demandent à présent tous deux à être payés. Ils ont été chez elle, elle n’a pu les satisfaire ; et sur-le-champ ils se sont adressés au maître de l’auberge qui les a été chercher pour elle. Celui-ci, effrayé de voir qu’elle n’avait pas même de quoi les payer, a non seulement eu peur de perdre aussi ce qu’elle lui devait, mais encore ce qu’il continuerait à lui avancer.

Sur ces entrefaites, est arrivé un petit marchand de province qui loge ordinairement chez lui. Toutes ses chambres sont louées, il n’y a eu que celle de cette femme qu’il a regardée comme vide, parce qu’elle ne lui donnait point d’argent. Là-dessus il a pris son parti, et a été lui parler pour la prier de se pourvoir d’une chambre ailleurs, attendu qu’il se présentait une occasion de mettre dans la sienne quelqu’un dont il était sûr, et qui comptait l’occuper au retour de quelques courses qu’il était allé faire dans Paris. Vous me devez déjà beaucoup, a-t-il ajouté, et je ne vous dis point de me payer : laissez-moi seulement quelques nippes pour mes sûretés, et ne m’ôtez point le profit que je puis retirer de ma chambre.